Tous les lecteurs sont des auteurs !

ARTICLE

Les lecteurs et toutes les lectrices sont très probablement des auteurs.res qui parfois s’ignorent.

Pourquoi ?

1. Parce que les lecteurs sont des explorateurs

Lecteurs en devenir

L’auteure britannique Doris Lessing ( Prix Nobel en 2007) écrit dans la préface de son roman Le Carnet d’or :
« Il n’existe qu’une façon de lire, et elle consiste à flâner dans les bibliothèques et les librairies, à prendre les livres qui vous attirent et ne lire que ceux-là, à les abandonner quand ils vous ennuient, à sauter les passages qui traînent — et à ne jamais, jamais rien lire parce qu’on s’y sent obligé, ou parce que c’est la mode. Rappelez-vous qu’un livre qui vous ennuie à vingt ou trente ans, vous ouvrira ses portes quand vous en aurez quarante ou cinquante — et vice versa. Ne lisez pas un livre quand ce n’est pas le bon moment pour vous. »

> Lire est un acte puissant et intime et on peut se demander en effet s’il n’y a pas une forme d’indécence à rendre des lectures obligatoires.

Comment obliger des lecteurs, de surcroît de jeunes lecteurs, à une rencontre qu’ils n’ont pas forcément envie de faire ? C’est une question complexe car pour acquérir le goût de la lecture, il faut nécessairement la fréquenter. Alors, parfois, c’est par la contrainte que l’on découvre le livre qui va bouleverser nos vies… parce qu’il détient l’un de nos mystères, un de nos secrets, un élan, une ressource.

> Avez-vous ce livre en tête ? Quel est ce livre qui vous a profondément marqué?Vous savez, ce livre avec lequel nous savons avec évidence que nous allons faire un bout de chemin.

Pour les 500 ans de l’émission télé « La Grande Librairie » de France 2, François Busnel demande à divers écrivain de nous révéler le titre de ce livre qui leur est cher.

Lecteurs libres

Les lecteurs, les lectrices restent toujours des êtres libres qui créent leurs propres parcours, qui explorent des territoires variés faits de genres différents, de tonalités diverses, d’histoires de tout bord. Nous découvrons donc sur nos chemins NOS livres, ceux qui constituent en quelque sorte notre « bibliothèque idéale ».

Oui, tous les lecteurs ont des livres au coeur. Et, ces livres ont une influence considérable sur nos façons d’appréhender le monde.

> Et vous, quelle est votre « bibliothèque idéale ? »

2. Parce que lire c'est "réécrire"

Si les livres nous permettent de comprendre le Monde et de nous en faire nos propres représentations, alors en construisant nos propres représentations, nous recréons, nous créons.

Pourquoi est-il toujours délicat de conseiller un livre ?

Cette question peut paraître étrange mais elle est très instructive sur ce qu’est la lecture. Car, lorsque l’on conseille un livre à un proche, on prend toujours un peu le risque de mettre l’autre dans une situation assez inconfortable.

Bien sûr, nous avons tous envie de partager les lectures que nous faisons. Fort heureusement ! Lorsque nous rencontrons un livre, on a envie d’en parler, d’échanger à ce sujet. On vous a probablement déjà dit : « Il faut absolument que tu lises ce bouquin ! Tu ne peux pas passer à côté de ça ! ».

Or, dans ces moments-là, la pression peut toutefois être assez haute, et parfois proportionnelle à l’attachement que l’on porte à la personne qui nous invite à lire tel ou tel livre… Que va-t-il se passer si vous, vous ne pouvez « rencontrer » ce livre ? Si, au bout de quelques lignes, vous vous apercevez que vous ne pouvez pas poursuivre, parce que vous n’entrez pas dans le propos, parce que ce n’est pas le moment ou, tout simplement, parce que vous n’aimez pas le contenu ou la façon dont s’est écrit…?

Comment dire à son ami.e : « Au fait, le livre que tu m’as conseillé, je ne l’ai pas lu, je ne peux pas, pour dire la vérité, je l’ai détesté. » ? Comment ne pas avoir l’impression de lui dire qu’on vient de découvrir une partie de lui qui ne nous convient pas, que l’on rejette ? Comment ne pas le vexer ?

Peut-on distinguer le livre et son lecteur ?

On se pose souvent la question de la distinction entre l’oeuvre et son auteur, celle de l’indistinction entre le lecteur et l’oeuvre qu’il lit semble tout aussi importante. Comme l’écrit Umberto Eco dans « Lector in fabula » : « Le texte est un tissu d’espaces blancs que le lecteur comble. » Tout est dans cette phrase.

Lire c’est bien créer son propre récit dans les espaces offerts par l’auteur.

Qu'est-ce que - l'acte de lire - ?

Lire c’est écrire sa propre histoire à partir du texte d’un autre.

En ce sens, l’acte de lecture est une réécriture, une réécriture du récit que nous lisons. Cette réécriture nous la faisons sans effort, presque involontairement, à travers nos propres représentations, à travers notre propre vécu, nos propres sensibilités de l’instant.

Donc, lorsque que quelqu’un nous prête un livre, ce qu’il veut nous prêter, ce n’est pas le livre en question, c’est sa propre lecture de l’histoire, autrement dit l’histoire qu’il s’est écrite lui même à partir du livre. Le problème est que l’on ne peut accéder à l’intégralité de la lecture d’un autre (à moins évidemment qu’il la rédige intégralement pour un travail de recherches par exemple, et encore…). Même s’il m’en parle longuement, qu’il ne me livrera que des bribes, non tout ce qui s’est passé dans son esprit.

La lecture est donc « réécriture » et fait de tout lecteur un auteur.

3. Parce que lire c'est relire

Les lecteurs et les auteurs

De fait, nous sommes bien les auteurs.res des livres que nous lisons et parmi les livres que nous lisons il y a ceux qui nous donnent envie d’être auteurs.res, c’est-à-dire d’aller encore plus loin dans cette réécriture du récit à laquelle se livre notre esprit pendant la lecture.

D’aller plus loin, puisque le livre lu nous donne envie d’écrire notre propre histoire. Ainsi, l’histoire de la littérature, de la lecture est vraisemblablement une histoire de réécritures.

On parle d’intertextualité depuis les années 1960 lorsque Julia Kristeva, linguiste et psychanalyste, utilise le terme l’intertextualité pour désigner l’ensemble des phénomènes de construction d’un texte littéraire à partir d’un ensemble de textes écrits avant lui.

Les lecteurs auteurs

> Et vous, quels sont les livres qui vous donnent envie d’écrire ? Il peut être intéressant de se faire une liste de quelques livres inspirants pour vous tenir compagnie lorsque vous êtes vous-mêmes dans un processus de création.

Et puis il y a les livres qu’on aurait aimé écrire…

Quels sont-ils ? Quels sont ces livres qui influencent nos trajectoires de création ?

Le pouvoir des livres est si grand. Ce n’est pas sans raison si les pouvoirs et idéologies totalitaires s’en prennent à eux, comme dans le roman dystopique de Ray Bradbury « Fahrenheit 451 ». Les livres apprennent à écrire et donnent le goût de l’écriture, et donc de la liberté d’expression et d’être.

Les livres que l’on aime lire sont toujours des points d’appuis à ce que nous sommes tous et toutes, des auteurs.res en devenir.