Cécile Coulon court sur les ponts de l'écriture avec détermination et ferveur, des réseaux sociaux aux succès en librairie, de la poésie narrative au roman poétique...

Les réseaux sociaux

Adolescente, Cécile Coulon commence à publier ses poèmes sur Facebook et Instagram**. L’auteure dit de cette expérience : * « Je me suis mise en ligne en me disant que ça allait être un espace d’expérimentation littéraire. Au fil des années, il y a eu une sorte de lectorat qui s’est créé. (…) En 2018, je n’ai pas envoyé mes poèmes, on est venu vers moi et on m’a proposé la publication papier. »

article Cécile Coulon 3Le recueil Les Ronces (éd. Le Castor Astral) voit le jour en 2018 et reçoit le prix Guillaume Apollinaire. Un recueil de poèmes narratifs où le quotidien, les sentiments,  les réactions humaines à la vie qui (s’)agite – ainsi que la nature – s’unissent dans un rythme clair et incisif. * « Le public de la poésie papier n’est pas le même public que la poésie en ligne. (…) ça questionnait en moi la différence de support d’écriture qui existe aujourd’hui et à quel point il faut savoir créer des ponts entre ces supports. » Des ponts que l’on peut traverser en flânant, ou en courant…

Le corps

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Cécile Coulon pratique en effet assidûment la course à pied à laquelle elle consacre plusieurs textes : Petit éloge du running, ainsi qu’une thèse autour du thème « Sport et littérature » et un poème, le seul en prose au centre du recueil Les Ronces, extrait :

Courir c’est ruisseler de douleur, de la gorge aux talons, des poumons aux genoux; choisir d’abandonner au paysage, à la vitesse, tout ce qu’on ne sait pas faire de soi. Parcourir la courbure de l’horizon comme on laisse traîner ses doigts sur une peau craquée par l’hiver et la fumée des maisons basse. Courir, c’est admettre que nous n’irons pas plus loin que le bout de la terre, qu’à la fin reste un grand vide que nous voulions voir, ne serait-ce qu’une fois dans l’existence, quitte à s’évanouir longtemps, emportés dans ces stupides transhumances pendant lesquelles j’ai la chance d’oublier, de rompre ces jambes gaspillées au quotidien en attente débile, en montées et descentes de trains.

Dans ce passage, on pourrait facilement remplacer le verbe « courir » par « écrire » tant Cécile Coulon semble entretenir une relation charnelle à l’écriture : * « le mot écrit passe par les entrailles, par le corps entier, monte, descend, remonte, vient dans la main, le crâne… » comme si son aventure d’auteure était celle d’une course en forêt qui implique, non seulement une symbiose avec l’environnement dans un même souffle, mais aussi l’effort du corps soumis à l’endurance, pour le dépassement, soumis au lieu aussi, à son âpreté parfois.

Les lieux

article Cécile Coulon 4Cécile Coulon a seize ans lorsque Le Voleur de vie, son premier roman, est publié aux éditions Revoir dont la mission est de promouvoir les récits ancrés dans la région Auvergne. Ainsi, l’auteure clermontoise affirme : * « Les lieux dans tous mes romans sont les personnages principaux. Je pars toujours d’un lieu pour raconter une histoire. » 

En effet, dans les récits de Cécile Coulon l’espace façonne les personnages. La nature, les forêts et leurs secrets, les routes poussiéreuses et mystérieuses, la roche noire et absolue, le vent et les êtres taillés par les climats sont les socles d’une main qui écrit comme recouverte de terre. Alors, Cécile Coulon revendique sa « place en géographie littéraire » loin de la ville : « elle et moi on ne se comprend pas », loin aussi de la littérature dite « du terroir ». Ses modèles en espace français, ses « maîtres d’écriture » comme elle les appelle sont Marie Hélène Lafon, Mathieu Riboulet, Jean Giono, Pierre Michon… 

Les influences

On remarque souvent sa jeunesse à Cécile Coulon, remarque à laquelle l’auteure répond : * « Je porte plus de fantômes que d’expériences de vie. » Cependant, rien de négatif chez ces fantômes, ils sont « l’assurance que la transmission existe ». Elle précise : * « j’ai la sensation d’être traversée par des émotions qui ne sont pas forcément les miennes… plus jeune, c’était par des émotions de fiction à travers la littérature, le cinéma… maintenant c’est par les gens… ».  

Dans Le Roi n’a pas sommeil, premier roman à rencontrer le succès, on reconnaît l’influence de Steinbeck. La romancière a alors 21 ans et ne s’autorise pas encore à inscrire ses intrigues dans le territoire français. Elle choisit les Etats-Unis « lieu de tous les possibles », que l’on devine à travers les pages même si le pays n’est jamais clairement nommé.

article Cécile Coulon 2La tragédie est présente dès les premières lignes. Les cris de la mère, Mary, folle de douleur, les bruissements de la ville, les rumeurs de l’atmosphère confinent au sublime. Car, * « ce que personne n’a jamais su… c’est ce que Thomas » – le fils – « avait ressenti lorsque le flic aux cheveux gras était venu lui passer les bracelets… » Un roman sur l’incertitude et l’incertain dans un paysage qui sent le bois fraichement coupé, la sueur et l’alcool fort. Qu’est devenu le père qui travaillait la semaine à la scierie et le week-end à la caserne de police ? Quel rôle jouera le docteur O’Brien ? Quel est le devenir de Thomas qui fut un enfant chétif dans ce huis clos en plein air ?

*Le Roi n’a pas sommeil, ed. Viviane Hamy, 2012 (Prix Mauvais genre)

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Pistes à suivre ...

1. Raconter une bonne histoire : * « ce qu’offre l’écriture, et la littérature, et la lecture, c’est le temps, c’est de pouvoir rallonger le temps, en tout cas de le mettre sur pause pour s’interroger sur des âmes, des comportements, des langages ou des silences… »

2. Créer du suspens à partir de personnages ambivalents : * « Écrire, c’est faire aimer des personnages totalement inadmissibles dans la vraie vie. »

3. Trouver le bon rythme : * « Il faut que la lecteur, la lectrice soit à ce point happé.e qu’il préfère à la réalité agréable la fiction désagréable. Pour cela, il faut faire confiance à l’imaginaire du lecteur..? » c’est là que se trouvent « le foyer et les braises d’une envie de savoir incroyable. »

4. Se fier au processus de l’esprit : * « J’imagine l’histoire pendant des mois… Je ne prends pas de notes. » La mémoire garde les bonnes idées. « J’ai un plan en tête qui est si précis que je sais où poser exactement le point final… Je prévois tout. »

5. S’inspirer tout en trouvant sa singularité : * « La question n’est pas de faire mieux mais de faire à sa façon et de ne pas se conformer à ce qu’on a aimé chez les autres… Il faut trouver ce qui est à nous et ce qui est en nous. »

*Propos recueillis : France culture .Affaires culturelles. 03/02/21 – France culture .Par les temps qui courent. 27/09/21- France 2 .La Grande librairie. 12/10/21 Cécile Coulon présente son dernier roman Seule en sa demeure.

Cécile Coulon bibliographie
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