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Devenir Beauvoir : titre programmatique d’une biographie exceptionnelle. Pourquoi donc Simone de Beauvoir, figure incontournable du milieu intellectuel du XXème siècle, n’a pas été jusqu’alors l’objet d’une réelle étude biographique en langue française ? Est-ce parce que l’on pense tout savoir d’elle à travers ce que l’on sait de son compagnon Jean Paul Sartre ? Ou peut-être parce qu’elle a elle-même écrit sa vie dans Mémoires d’une jeune fille rangée, La Force de l’âge et La Cérémonie des adieux ? Ou pour des raisons plus obscures qui voudraient taire certaines réalités de cette femme résolument indépendante ? Féministe avant l’heure ?
En s’appuyant sur les Carnets et la Correspondance de Simone de Beauvoir, Kate Kirkpatrick entreprend dans la biographie Devenir Beauvoir – La force de la volonté (ed. Gallimard 2020), une réhabilitation : celle de rendre à la philosophe, la femme de lettre, la féministe, ce qui lui appartient.
1. Devenir Beauvoir : agir en philosophe
L'existentialisme avant l'heure
Kate Kirkpatrick souligne que Simone de Beauvoir, dès son plus jeune âge, soulève la question du « devenir », notion à la base de ce qui deviendra l’existentialisme. La perte de la foi (à laquelle la mort précoce de son amie Zaza n’est pas étrangère) mène Beauvoir à réfléchir au sens profond de l’existence : *« L’acte, c’est l’affirmation de nous-même » écrit-elle, dans ses Carnets, à l’âge de 19 ans.
L’existentialisme est aujourd’hui défini comme un courant philosophique qui considère que l’être humain crée sa destinée par ses propres actions, celles-ci n’étant pas prédéterminées par des doctrines théologiques, philosophiques ou morales. L’existentialisme conçoit l’individu comme un être libre des actes et des valeurs qu’il décide d’adopter, un individu qui maîtrise son devenir.
Sartre et le Castor
En 1929, Simone de Beauvoir est reçue seconde à l’Agrégation de Philosophie, Jean Paul Sartre premier. Il faut dire qu’elle n’est pas entrée à l’Ecole Normale Supérieure comme lui, non, les femmes n’en avaient pas le droit à l’époque… Elle est néanmoins, à 21 ans, la plus jeune agrégée de philosophie.
> Lorsqu’elle rencontre Sartre, Simone est très attachée à un autre étudiant en philosophie : René Maheu. C’est lui qui donne à son amie Simone le surnom de « castor », (en raison de la ressemblance phonétique avec « beaver » en anglais).
Mais, rapidement, Simone et Jean Paul se lient, d’un attachement qui ne se défera pas. Sartre propose alors qu’ils restent libres de vivre des « amours contingentes ».
> De fait, ils connaîtront, tous deux, de nombreuses relations amoureuses. Rôde un parfum de scandale autour des amours de Simone avec certaines de ses étudiantes et de la polygamie assumée de Sartre. Les objets de leurs « amours contingentes » se sentiront parfois humiliées (voir « Mémoire d’une jeune fille dérangée » de Bianca Lamblin).
Reste que, comme l’écrit Simone de Beauvoir, « notre grand besoin dans la vie, c’est quelqu’un qui nous pousse à faire ce dont nous sommes capables ». Sartre restera pour la vie « l’ami incomparable de ses pensées ».
Or, comment exister en dehors de lui, en dehors du couple mythique, et devenir ce qu’elle veut être ?
2. Devenir Beauvoir : femme de Lettres
Sartre et Beauvoir ont tous deux affirmer très tôt vouloir devenir écrivains. Mais « s’il reconnaissait le pouvoir des mots, Sartre tenait toute la littérature pour une tromperie, une imposture. Beauvoir avait autrement foi en elle, et lisait Virginia Woolf avec émerveillement : voilà une femme qui voulait réduire l’écart entre la littérature et la vie. »
> Alors que Sartre publie La Nausée, en 1938, le premier manuscrit du Castor Quand prime le spirituel est refusé (il sera publié en 1979). Son premier roman L’invitée sera publié en 1943.
> Pour elle, la mission de l’écrivain est de « mettre en scène la relation de l’individu au monde dans lequel il exerce sa liberté » car lire un roman c’est «entrer dans un monde, un monde concret, temporel, peuplé de figures et d’événements singuliers ». Si elle choisit d’écrire des romans c’est parce que la littérature permet de vivre « des expériences imaginaires aussi complètes, aussi inquiétantes que les expériences vécues ».
3. Devenir Beauvoir : féministe
La parution, en 1949, de son essai Le Deuxième Sexe marque un tournant décisif dans le devenir de Simone de Beauvoir.
> Les femmes trouvent alors en l’auteure une voix pour dénoncer les «mythes aberrants que les hommes chérissent à propos des femmes, et la poésie tocarde qu’ils fabriquent à leur sujet ». La femme, écrit-elle « n’est pas une réalité figée, mais un devenir ; c’est dans son devenir qu’il faudrait la confronter à l’homme, c’est -à-dire qu’il faudrait définir ses possibilités » ou bien encore : « c’est un criminel paradoxe que de refuser à la femme toute activité publique, de lui fermer les carrières masculines, de proclamer en tous domaines son incapacité, et de lui confier l’entreprise la plus délicate, la plus grave aussi qui soit : la formation d’un être humain. »
> Bien sûr, à l’époque, nombre d’hommes réagirent, et à partir de là elle dut essuyer affronts et insultes. Nombreux sont ceux qui condamnent son mode de vie et puis, comment ose-telle parler de maternité alors qu’elle n’est même pas mère? Ce à quoi elle répliqua : « cela ne les en avait jamais empêché eux »…
*Toutes les citations sont extraites de Devenir Beauvoir Kate Kirkpatrick (ed. Galllimard, 2020) Kate Kirkpatrick enseigne la philosophie au Regent’s Park College de l’Université d’Oxford depuis 2020.
**Retrouvez Kate Kirkpatrick dans « Les chemins de la philosophie » Épisode 4 : « Je ne pourrais pas vivre uniquement de bonheur et d’amour” novembre 2020 : www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/les-chemins-de-la-philosophie-emission-du-jeudi-19-novembre-2020
Possibilité de télécharger la bibliographie complète de Simone de Beauvoir sur le site de la BNF : www.bnf.fr/fr/simone-de-beauvoir-bibliographie. quant à elle, voulait connaître le monde et l’exprimer. »
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*Toutes les citations sont extraites de Devenir Beauvoir Kate Kirkpatrick (ed. Galllimard, 2020) Kate Kirkpatrick enseigne la philosophie au Regent’s Park College de l’Université d’Oxford depuis 2020.
**Retrouvez Kate Kirkpatrick dans « Les chemins de la philosophie » Épisode 4 : « Je ne pourrais pas vivre uniquement de bonheur et d’amour” novembre 2020 : www.franceculture.fr/emissions/les-chemins-de-la-philosophie/les-chemins-de-la-philosophie-emission-du-jeudi-19-novembre-2020
Possibilité de télécharger la bibliographie complète de Simone de Beauvoir sur le site de la BNF : www.bnf.fr/fr/simone-de-beauvoir-bibliographie.