Récits d'anticipation
Faire le choix d’un récit dit « d’anticipation » c’est proposer de décrire le monde, tel qu’il pourrait être dans un futur proche ou plus lointain. Il s’agit de partir du monde contemporain et d’en explorer les possibles évolutions. Le récit d’anticipation propose donc à la fois un futur imaginaire et une représentation du monde actuel. En envisageant le futur de telle ou telle façon, l’auteur.e d’un récit d’anticipation met en perspective nos comportements, pour les critiquer ou en saluer les progrès. Certains textes du passé, qui furent à leur époque des récits d’anticipation, prouvent leur pertinence aujourd’hui : par exemple le roman 1984 de Georges Orwell écrit en 1949.
> Utopie
L’auteur.e d’un roman d’anticipation peut proposer la représentation d’un monde idéal, d’une société idéale, et entreprendre le récit d’une utopie, à l’instar de Thomas Moore (auquel on doit le terme).
Saint Thomas More (1478-1535), fils d’un avocat londonien, servit le roi comme conseiller d’abord, puis comme chancelier avant de démissionner. Lorsqu’il refuse de reconnaître invalide le mariage du roi Henri VIII avec Catherine d’Aragon, il est arrêté et décapité. Il sera canonisé par Pie XI en 1935.
En 1516, Thomas More publie Utopie ou Le Traité de la meilleure forme de gouvernement, un récit construit en deux parties. La première relate un dialogue imaginaire entre Thomas More et Raphaël Hythlodée, un marin portugais rencontré lors d’une mission diplomatique à Anvers. Cette discussion donne lieu à une critique des ambitions princières, de la guerre, de la vie de cour, des lois injustes, de la pauvreté… La seconde partie consiste en un monologue, celui d’Hythlodée. Le navigateur décrit la vie des habitants d’une île imaginaire appelée Utopie terme grec qui signifie « nulle part ». La société d’Utopie ne connaît pas la propriété privée . Tous les hommes y sont égaux. Les femmes ont les mêmes droits que les hommes. Les Utopiens défendent l’ouverture d’esprit et la discussion pour faire évoluer la société.
> Dystopie
A contrario, l’auteur.e d’un roman d’anticipation peut proposer un récit pessimiste de l’évolution de notre monde. Il représente alors une société future qui enferme l’homme, qui resserre ses libertés, qui le mène à sa perte. Ainsi, la dystopie sert une critique du monde contemporain et de ses dérives (1984 est une dystopie) ou bien encore alerte sur des menaces dont les germes sont déjà dans notre présent.
Le roman de Emily St. John Mandel, Station Eleven, propose une dystopie fascinante au regard de l’actualité récente. Le livre publié en 2014 (ed. Rivages Poche) décrit une société post catastrophe. Au début du récit, le lecteur découvre Jeevan Chaudhary. Au théâtre, il assiste au malaise de l’acteur Arthur Leander qui interprète le roi Lear. Secouriste, Jeevan saute sur scène mais il ne parvient pas à ranimer Arthur, victime d’un arrêt cardiaque. Il réconforte Kirsten, l’une des trois enfants acteurs de la pièce. En rentrant chez lui, Jeevan reçoit un appel d’un ami médecin. Celui-ci l’invite à quitter la ville au plus tôt car une mystérieuse grippe mortelle se propage très rapidement partout en ville. Jeevan décide de faire le plein de provisions et de se confiner chez lui avec son frère handicapé.
Vingt ans plus tard, on retrouve Kirsten. Le monde connu n’existe plus. L’électricité a disparu. Peu ont survécu. Les territoires sont devenus des zones de non droit. Elle se déplace avec un groupe d’acteurs et de musiciens nomades connu sous le nom de « Symphonie Itinérante ». Kirsten, qui avait huit ans au moment de la pandémie de grippe, se souvient très peu de sa vie avant l’An Un. Il lui reste un roman graphique intitulé « Station eleven » qu’Arthur lui avait donné avant de mourir et dont elle ne se sépare jamais …