ARTICLE
Tu écris ? Qu’avons-nous en tête lorsque nous parlons de « travail » ? Pourquoi l’activité d’écrire peut-elle heurter nos représentations du travail et en quoi les dépasse-t-elle ?
1. Qu'est-ce que le "travail" ?
Histoire du mot "travail"
Il est intéressant de se pencher sur l’histoire du mot car la notion « travail » à l’origine implique une « souffrance », ou tout du moins un effort conséquent. Le mot français est dérivé d’un mot latin : « tripalium » qui désignait un instrument de torture dans l’Antiquité, tout un programme… Puis, le mot désigne tour à tour le « tourment », la « fatigue », « la peine que l’on se donne, l’effort » jusqu’au XVIIème siècle où le travail devient une « activité professionnelle quotidienne nécessaire à la subsistance ».
> Aujourd’hui, si l’on observe les différents sens du mot, cela en dit beaucoup sur les connotations de « douleur » et de « contrainte » qui lui sont toujours associées. On parle par exemple du « travail » pour désigner la période avant l’accouchement d’où la « salle de travail ». La « bête de travail » est l’animal qui tire la charrue, mais aussi l’être humain qui ne compte ni ses heures, ni son engagement dans le labeur… Enfin, le travail peut être une peine infligée par la justice. Autrefois, les délinquants ou criminels étaient condamnés aux « travaux forcés » qu’ils effectuaient dans des bagnes. De nos jours, la peine peut être celle des « Travaux d’Utilité Générale ». On parle de « travail à la chaine » pour désigner une activité répétitive et aliénante.
Définition
Le travail est une activité qui exige un effort soutenu et qui vise à la modification des éléments naturels, à la création et/ou à la production de nouvelles choses, de nouvelles idées. Il peut être exercée en échange d’un bien. C’est une activité qu’il est nécessaire d’accomplir, une activité contraignante qui occupe beaucoup de temps d’où les expressions « se tuer au travail », « être débordé de travail », « avoir du travail par dessus la tête ». Le mot « travail » désigne aussi le résultat même de l’activité : « apporte moi ton travail »…
> Il est donc bien ancré dans nos représentations mentales que travailler c’est accomplir une activité contraignante, voire douloureuse qui suppose un effort physique pour les travailleurs manuels et un autre type de souffrances pour les autres : temps passé dans les transports, emploi du temps serré, conditions de travail difficiles…
> Par ailleurs, si l’on accepte ces contraintes, de fournir ces efforts c’est parce qu’il est bien inscrit en nous que pour survivre il faut travailler : le travail est la condition de notre survie parce qu’il est source de revenus. Ce qui rapporte de l’argent c’est du vrai travail.
> Enfin, le travail est une activité essentielle, c’est l’activité essentielle pour que les hommes puissent vivre en société, se développer et faire évoluer le monde.
Qu'en est-il du travail à la maison ?
Le travail à la maison qui a lieu dans la chaleur du foyer, dans le confort du chez soi, de son cocon heurte donc nos idées communes qui imposent à la notion de travail celles de la contrainte, de l’effort, de la douleur. Bien sûr, c’est un raccourci car le travail à la maison est aussi une contrainte.
2. Le travail de l'auteur .e
Ne pas se rendre au "travail"
L’auteur.e écrit chez lui, chez elle, ou dans un lieu qu’il choisit. Certains aiment écrire dans un café ou une bibliothèque. En tout cas, la plupart du temps, il ne se rend pas au « bureau », il gère ses lieux de travail et son temps comme il l’entend.
> Cet état de fait peut induire dans nos représentations que l’auteur .e a peu de contraintes, qu’il ne souffre pas, qu’il n’a pas vraiment d’efforts à fournir et que, pour couronner le tout, il pratique une activité dont les revenus sont très aléatoires
Donc finalement l’auteur .e : à quoi sert-il ? A quoi cela sert-il d’écrire un livre ? Est-ce un vrai travail, un métier ?
Ecrire un travail d'utilité publique
> Est-ce que le travail d’un auteur se fait sans souffrance, sans effort, sans contrainte ?
Non. L’introspection à laquelle oblige l’acte d’écrire n’est pas toujours agréable. Le fait de remuer son imaginaire, ses souvenirs n’est pas toujours agréable. Les moments de doute, de remise en question, d’incertitude sont légion. Ecrire plusieurs pages par jour exige aussi une discipline rigoureuse. C’est d’ailleurs le cas de tous ceux qui travaillent « à la maison » car ils doivent s’imposer eux-même un cadre de travail.
> Est-ce que écrire ça enrichit ?
Soyons clair il est rare de vivre de l’écriture. Les élus sont peu nombreux. Certains écrivent des Best-sellers, d’autres sont engagés par des maisons d’édition. Mais la plupart des auteurs ont d’autres activités en parallèle pour subvenir à leurs besoins. Donc, oui, les revenus en termes de biens sont aléatoires, ce qui ne signifie pas que écrire n’enrichit pas. Evidemment, on ne parle pas ici d‘argent. Si « écrire » est un travail c’est aussi parce que cela enrichit en terme de meilleure connaissance de soi, meilleure connaissance de l’humain, c’est-à-dire de l’autre, de l’altérité et du monde dans lequel nous vivons.
> Est-ce que « écrire » est essentiel ?
Le travail c’est surtout apporter sa contribution au monde : contribuer à la vie, apporter quelque chose aux autres.
C’est apporter ses compétences, ses capacité pour le développement de l’humanité, rendre les relations meilleures pour nous rendre meilleurs, s’inscrire dans une énergie de vitalité, celle des humains.
Ecrire est essentiel. Peut-on imaginer que l’on n’ait pas de traces écrites qui nous permettent de nous rattacher à l’expérience de nos ancêtres ? que l’on n’ait pas tous ces livres dans les bibliothèques qui témoignent des siècles passés, qui nous disent ce qu’étaient les relations, les modes de vie d’autrefois ?
Tous ceux qui ont écrit avant nous nous ont transmis des connaissances précieuses et fondamentales.
Ecrire est essentiel parce que c’est transmettre.