Zanskar, c’est dans les années 2000 que Caroline Riegel rencontre onze nonnes bouddhistes avec lesquelles elle tissera des liens indéfectibles. Depuis, ces « Semeuses de joie » sont au coeur des démarches et des marches de l’auteure voyageuse…
Les mots et les images pour "réaliser" une rencontre exceptionnelle au Zanskar
Caroline Riegel découvre le village de Tungri au cours d’un voyage qui la conduit au Zanskar, une haute vallée himalayenne (3700 mètres d’altitude) du nord-ouest de l’Inde, de culture tibétaine.
Elle rencontre alors onze nonnes bouddhistes qui vivent dans la nonnerie nichée juste au dessus du village.
Les nonnes bouddhistes ont de 27 à 80 ans. Elles sont toutes originaires de Tungri et des alentours. Caroline s’attache profondément à ces femmes qui ont pour principe la joie et dont le rire est bénéfiquement contagieux. Dans son film Zanskar, les promesses de l’hiver (2020), l’une d’elles rit : « On n’y connait rien au yoga et tous ces trucs ! Mais pour le rire oui là on sait faire ! »
Caroline Riegel passe un premier hiver à la nonnerie du village de Tungri. Elle apprend la langue, les coutumes et le quotidien des nonnes puis, en retour, enseigne les mathématiques, les sciences, l’anglais… Un lien très fort se crée. Peu d’entre elles sont sorties de la vallée, alors l’idée de partager avec Caroline l’expérience du voyage naît peu à peu…
2. Les mots et les images pour comprendre "Les semeuses de joie" du Zanskar
Un jour, Caroline Riegel propose aux nonnes de Tungri de partir à la découverte de l’Inde, leur pays. Un voyage qui les conduira du Zanskar à l’archipel des Andamans. Les nonnes lui font confiance pour dessiner le parcours. Elles ont une seule demande. Il leur est nécessaire de se rendre dans les grands monastères et les lieux emblématiques du bouddhisme. Le voyage se fera sur les traces de Gautama Bouddha.
Caroline Riegel, caméra à la main, raconte ce voyage initiatique dans un film Semeuses de joie (2015) – dossier du film ici.
On y découvre d’abord la vie quotidienne des nonnes de Tungri : les prières, les travaux de déblaiement de la neige, la communauté, l’accueil d’une nouvelle nonne… Et puis, le départ. Pour quitter la vallée du Zanskar, il faut cheminer sur le lac gelé : le Tchadar qui sillonne des gorges impraticables l’été. Le retour se fera par un col à 5000 mètres d’altitude.
Les nonnes parcourent, émerveillées, cet immense pays qu’est l’Inde. Elles s’étonnent de l’eau qui ondule lorsqu’elles se trouvent près de la mer. Elles font preuve d’une vive compassion sur un port lorsqu’elle voit tant de poissons tués (c’est très mauvais pour le karma des pêcheurs que d’ôter la vie ainsi…) Elles cueillent des coquillages comme autant d’offrandes. Elles refusent de monter sur le dos d’un chameau parce qu’il est trop maigre. Et elles rient, ne cessent de rire… elles qui ne sont que joies et souffles de bonheur…
Les mots et les images pour un engagement solidaire au Zanskar
Lors du retour, après quatre mois de voyage, les villageois accueillent les nonnes avec ferveur. Elles ont tant manqué et ils veulent savoir… Caroline Riegel organise des projections. Les villageoises ont les yeux pleins de larmes.
Cette émotion, tous les spectateurs du Festival du Grand Bivouac (Albertville, 2015) l’ont éprouvée lorsque les nonnes sont arrivées sur la scène, gênées sous l’ovation du public.
Aujourd’hui, Caroline Riegel passe beaucoup de temps à Tungri pour soutenir la nonnerie. En 2012, elle a créé l’association THIGSPA qui signifie « goutte d’eau » en tibétain avec pour premier projet la construction de bâtiments scolaires. Il est, en effet, indispensable de former les filles qui ont pour destin de devenir nonnes afin de les retenir au village. Caroline Riegel accompagne aussi des projets de réservoir d’eau, de réparation du bâtiment principal, d’installation d’une centrale solaire…
Zanskar, les promesses de l'hiver : le film
En 2020, Marianne Chaud, ethnologue, qui a elle-même réalisé des documentaires sur le Zanskar : Himalaya, la terre des femmes Himalaya (2008), Himalaya, la terre du ciel (2010), encourage Caroline Riegel à reprendre la caméra. Le retentissement du premier film a été très fort. Beaucoup de spectateurs ont été fortement bouleversés et ont écrit à Caroline Riegel pour en apprendre davantage encore.
Aussi Caroline Riegel décide-t-elle de continuer à témoigner. Zanskar, les promesses de l’hiver voit le jour. Ce deuxième film documentaire approfondit la description de la vie à la nonnerie et plus largement au village de Tungri. Au delà, il s’agit d’aborder la question des conditions de vie des femmes, à travers celles des nonnes qui ne sont pas traités avec les mêmes égards que les moines bouddhistes. Oui, ce deuxième volet s’attache plus sensiblement à la féminité qui soutient le film, jusqu’à la surprise finale…
Caroline Riegel : « J’ai voulu montrer la capacité des nonnes à vivre en harmonie, à nous toucher au coeur par leur regard dénué de jugement, à nourrir une intelligence collective, choses qu’on peine à faire chez nous. Les nonnes savent que la colère est un poison qui ne permet pas de prendre le dessus. Surtout elles vivent un bonheur modeste et peu destructeur. Mais je dévoile aussi la complexité de ce bonheur et de cet environnement. Non, la vie de ces femmes n’est pas facile et leur joie est le fruit d’un travail quotidien qui ancre leurs valeurs avec beaucoup de force. Se pose aussi la question de la valeur de la femme ! »*
*dans Alpinemag
La vie de ces femmes est portée par des images d’une exceptionnelle beauté, images que l’on peut retrouver dans l’exposition de photographies de Caroline Riegel « Semeuses de joie ».
L' auteure : le goût du voyage et de l'aventure
Caroline Riegel est ingénieure de formation, spécialisée en constructions hydrauliques. L’aventure, le voyage et les rencontres sont ses moteurs de vie.
Elle est l’auteure notamment de Eclats de Cristal, ed. Phébus, 2011, livre dans lequel elle décrit sa vie dans la forêt vierge africaine sur un chantier de barrage et son retour à pied du Gabon en France en 2003. En 2004, elle traverse l’Asie, du lac Baïkal au Bengale, périple qu’elle raconte dans Soifs d’orient et Méandres d’Asie, éd. Phébus, 2008 (prix des explorateurs de la Société de géographie, prix René Caillé, Toison d’or du livre d’aventure vécue).